Lev Carlovitch de Bode – Hofmarschall au palais du Kremlin

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Après s’être couvert de gloire durant sept années de guerre (1807-1814) contre les armées de Napoléon – ce qui lui ouvrira toutes grandes les portes de la bonne société russe, y compris celles de la cour impériale – le baron Louis-Léon (Lev Carlovitch) de Bode épouse en janvier 1815 une amie de ses soeurs, Nathalie Fedorovna Kolytchev. Un an plus tard, le 27 janvier 1816, il démissionne de l’armée. Le ménage réside tantôt à Saint-Pétersbourg, tantôt à Moscou, tantôt dans la propriété de Nathalie à Metcherskoïe d’où le choléra de 1830 le fait revenir à Moscou.

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Lev Carlovitch de Bode – Nathalie Fedorovna Kolytchev

A Moscou, sa parenté avec le prince Piotr Mikhaïlovitch Wolkonsky (portrait ci-dessous de Georges Dawe dans la galerie des généraux au musée de l’Ermitage) lui fait obtenir une place de conseiller puis de directeur de l’Administration du Palais du Kremlin, avec de vastes appartements dans le « Pavillon des Chevaliers » où sa famille va résider durant vingt-cinq ans. Louis-Léon est successivement chambellan puis maître des cérémonies (1831), maréchal de la Cour (1842) et grand-maître de la Cour (1849). Nommé directeur du Kremlin en 1837 par le tsar Nicolas Ier, il est chargé de diriger la reconstruction du Palais des Terems ainsi que l’édification d’un nouveau palais impérial (Grand Palais) dans l’enceinte même du Kremlin.

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Piotr Mikhaïlovitch Wolkonsky – Lev Carlovitch de Bode

En 1812, lors de l’entrée de Napoléon dans Moscou, les troupes françaises occupent le Kremlin du 2 septembre au 11 octobre. Contraint à la retraite, Napoléon donne l’ordre de faire sauter l’ensemble du Kremlin. L’Arsenal, des sections de l’enceinte et plusieurs tours sont détruites. Les flammes abîment le Palais à Facettes ainsi que certaines églises. Les explosions ont lieu durant trois jours, du 21 au 23 octobre, mais heureusement les pluies étouffent les flammes et les dommages seront moins graves que prévus.

Des travaux de restauration auront lieu de 1816 à 1819, supervisés par l’architecte Osip Bové, rénovations effectuées à la hâte pour pouvoir accueillir dignement Alexandre Ier « d’illustre mémoire » à l’occasion de sa visite en 1817. Durant le restant de son règne, d’anciennes structures sont rénovées dans un style néo-gothique tandis que d’autres sont Capture d_écran 2017-10-08 à 10.03.20tout simplement laissées à l’abandon ou détruites.

Lors de sa visite du Kremlin en prévision des fêtes de son couronnement, le nouveau tsar Nicolas Ier [illustration ci-contre] constate que la sécurité incendie n’était plus du tout assurée dans les bâtiments du palais. En effet, les minces parois des étages supérieurs sont recouvertes de grosses planches, les charpentes des plafonds sont toutes en bois, un nombre considérable de cheminées ont été placées à cause des nombreux poêles et cuisines du palais. Tous ces éléments poussèrent le tsar à décider de la construction d’un nouveau palais qui puisse également être digne de son règne. Il fallait aussi pouvoir concurrencer son rival, le Palais d’Hiver de Saint-Pétersbourg !

Capture d_écran 2017-10-08 à 10.03.11Placé sous la responsabilité de l’architecte Konstantin Andreïevitch Ton [illustration ci-contre], le projet prévoit 700 salles et pièces de réception avec, au rez-de-chaussée, des pièces réservées à l’empereur et aux membres de la famille impériale. Un escalier monumental permet d’accéder à cinq vastes salles situées à l’étage. Chacune de ces cinq pièces est consacréee aux cinq ordres de l’Empire russe : une pièce réservée à l’Ordre de Saint-André, une pièce réservée à l’Ordre de Sainte-Catherine, une salle réservée à l’Ordre de Saint-Vladimir, une pièce réservée à l’Ordre de Saint-Alexandre Nevski, une autre salle réservée à l’Ordre de Saint-Georges. La salle Saint-André, moins vaste que les autres salles bénéficie néanmoins d’une vue sur la rivière Moskova.

La pause de la première pierre a lieu le 30 Juin 1838. Suivent dix années pour édifier cet édifice colossal, sous la surveillance du baron de Bode, vice-président du Comptoir du Palais de Moscou. « On écrit de Moscou, le 20 août 1838, que la reconstruction du palais impérial du Kremlin, qui a commencé le printemps dernier, et qui est confiée au baron de Bode, l’un des architectes de la couronne, marche, grâce à l’immense nombre d’ouvriers qui y travaillent, avec une activité extrême. Tout porte à croire qu’avant la saison rigoureuse le nouveau palais [illustration ci-dessous], sera monté jusqu’au toit », annonce un journal parisien.

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Un journal britannique fait de même : « The rebuilding of the Kremlin, which is confided to the Baron de Bode, one of the crown architects, is proceeding with great activity. It is build in the old style of Russo-Tartar architecture. Upon the roof, there is to be a terem, or large pavilion, in form of a tent, such as was found in all the places of residence of the ancient Capture d_écran 2017-10-08 à 10.03.29czars, and in which they shut up their women. The interior of the palace wil correspond with the exterior, as the disposition of the apartments, their form, ornaments, tapestry, and furniture, even to the most minute details, are to be in the Russo-Tartar style. »

Il est question d’une longue lettre adressée à Alexander Veltman [illustration ci-contre] par le grand maréchal de la Cour, baron de Bode, vice-président de la Chancellerie du Palais, lui fournissant des explications détaillées sur les raisons et les circonstances qui avaient amené l’Empereur à décider de faire construire un nouvel édifice. « Une information de grand intérêt, puisque le baron de Bode avait été chargé d’exécuter ce souhait impérial, » ajoute-t-on.

« The autumn of the year 1837, » wrote Baron Bode,  » the Emperor went to Moscow. His Majesty having found the ancient Palace ugly and very small, going through, in beginning with the Boyards Terrace, when they had earlier had the intention to build a new great hall. Seeing all of the inconveniences of this project and that to enlarge the throne room, the Emperor arrived at the beginning of the reception rooms, that is to say, just to the working study of the late Empress Maria Feodorovna, he stopped, examined the plan and gave the order, to add to the Palace a new great hall (today the Throne Room of St. Andrew).

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Illustrations actuelles de la salle du Trône, dite de Saint-André

This was the first indication of the project of the construction of the Palace itself and its beginning. In the meanwhile, they alerted the Emperor that the old palace threatened ruin. The palace was, after the fire of 1812, rebuilt and enlarged in haste in 1817 for the occasion of the arrival of the late Emperor Alexander I. The outer walls, very insignificant, the upper stories, were refitted on the interior with wide planks. The beams and ceilings in wood gave passage for the quantities of chimney pipes needed for the innumerable stoves in the palace and its kitchens. After a detailed examination of the ceilings and roofs, they became convinced of the impossibility of protecting the security of the palace from the possibility of fire. It is likely that it was this last determination that helped the Emperor to decide to build a new Palace, more solid and which more greatly conformed to the grander of the nation’s first capital.

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Sergueï Grigoriëvitch Grigoriev [1.1.5.(b).11.2.8.X.1.3.(a).1.2.], arrière-petit-fils de la fille naturelle de Lev Carlovitch de Bode, au Palais du Kremlin (2009)

The very next day, the Emperor indicated on the plans that He had presented the changes which he desired and as a result of which they would have to start a new. He commanded, at the same time to have an entirely new set of plans done up according to His directions. I gave the order to a young assistant architect Guerassimov, whose talent I had noticed during the restoration of the Terem Palace, to design a plan which I myself would oversee that was along the guidelines and directions given by His Majesty. I presented this plan to the Minister of the Imperial Court, the Serene Prince Peter Mikailovich Volkonsky who would submit it for Imperial examination. After the modifications indicated by His Majesty, the plans were returned to me to be re-done again. His Majesty often reviewed the plans for the New Palace and I kept several drawings corrected in His hand as a precious souvenir of the abilities of the Sovereign-Architect.

In December 1838, I left for St. Petersburg so as to present the project for the Emperor’s approval. His Majesty, after examining them, was satisfied with the general plan, as it conformed to His ideas and His intentions, except for some small points of minor importance, such as the exact shape of the domes, etc. Fire occurred at the Winter Palace in St. Petersburg [illustration ci-dessous] attracting the Emperor’s attention to the precautions to be taken to save a similar part of the New Palace.

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He gave the order to make vaults very solid, the joists made of iron, to pave all of the corridors and vestibules, and to organize the hot air systems, according to the system of General Amoisov, in a word, to take all precautions for the security and solidity of the new building. This was the cause of changing totally the first specifications and even the methods of building. Besides, it was also then noticed that the ancient foundations did not correspond to the dimensions of the colossal mass of the new Palace planned. All of the plans of the first project which were not yet passed before the eyes of the true Architect, were approved by the same hand of the Emperor, and their execution, under the immediate direction of M. the Minister of the Imperial Court, were placed under my direction.

Having before me such a very serious goal, which demanded the skills of a talented and experienced architect, and having heard people speak of Ton, who then had begun to have the reputation of a talented architect and a very fine builder, I asked M. the Minister of the Court to ask the Emperor to name the principal architect for the construction of the New Palace in Moscow. His Majesty did not at first consent to the nomination of Ton except as the consulting architect, but after some persuasion by Volkhonsky, Ton was named the Capture d_écran 2017-10-08 à 10.04.42principal architect, with specification of a particular responsibility as to that which concerned the solidness of the foundations, the vaults, and the installation of a heating system that was guaranteed to not be dangerous. His Majesty the Emperor personally entered into almost every detail, and during the commencement of the work right up until the end everything was done under the decision of His Imperial Majesty. Aside from Ton the principal architect, other architects also took part in the work. These were professor of architecture Th. Richter [illustration ci-contre], MM Tchichagov, Guerassimov, Baikirev and the assistant architects, academician Stegmann, MM Ivanov, Lyubimtsev, Gorskii, Vodeau, Trubnikov, Dmitriyev, Delsalle and the two Stavrovskis.

The interior decoration were designed for the most part by Ton himself. The drawings of the details of the principal rooms were done by I. Kaminsky. M. Tchichagov, known for his distinguished taste, was working on the drawings for the interior decoration, furniture, doors, etc. The ornaments on the white stone were made by Campioni. The locks, remarkably noted for the extremely complicated locks, are the work of Soloviev. The roofs and domes were done under the watch of the « Major of the Door » Illinin. (For fear of fires, the roof was made without wood, which required 109,000 puds – 1959 tons US/1777 metric – of iron and 15,000 puds of cast iron.) Professor Pyerevochnikov oversaw the installation of the lightning rods built by Neubauer. The clock in the tower was built by the Boutenop brothers, with the Dutch bells for the clock on the Trinity Tower. »

Durant toute la durée des travaux, le tsar veillera avec une minutie toute particulière au moindre détail et rien ne pourra être exécuté sans la « permission de Sa Majesté », comme l’écrira Louis Léon de Bode. La magnificence et la splendeur de la décoration intérieure du Grand Palais du Kremlin devaient avoir pour but de symboliser la puissance impériale !

Tirant les leçons du terrible incendie de 1837 au cours duquel le Palais d’Hiver de Saint-Pétersbourg brûla pendant deux jours, des techniques spéciales de générateurs d’air chaud furent adoptées, excluant le chauffage au poêle. Au départ d’un four situé au sous-sol, de l’air chaud était soufflé à l’aide de ventilateurs dans tous les étages via des canalisations thermiques placées dans les parois murales. Les cheminées à bois devinrent plus des œuvres d’art que des éléments techniques de chauffage.

En 1841, après avoir visité le chantier du nouvel Etat-Major à Saint-Pétersbourg, Louis de Bode opéra un choix de plusieurs cheminées de marbre, toutes de formes et de tailles différentes, décorées dans un style classique avec un modèle complexe floral de feuilles, de fleurs et de guirlandes. Elles étaient le fruit du travail d’artisans russes : marbre blanc et pierres précieuses russes, jaspe, porphyre et malachite.

Le 3 avril 1849, en présence de toute la famille impériale, le Grand Palais est officiellement inauguré par le tsar qui déclare : « Mon palais du Kremlin, un magnifique travail d’architecture, sera le nouvel ornement de mon ancienne capitale bien-aimée ; il va s’harmoniser avec les édifices qui l’entourent que nous estimons sacrés tout comme la mémoire séculaire qui s’y rattache et qui représentent les grands achèvements de notre histoire nationale ».

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Une plaque de métal porte l’inscription : « Placée le 3 avril 1849, durant le règne de l’empereur Nicolas Ier, sous le contrôle du ministre de la Cour Impériale, le général d’infanterie prince Piotr Volkonsky et du grand chambellan Baron Bode. » Capture d_écran 2017-10-08 à 10.05.04

Le palais fait 125 mètres de long, 47 mètres de haut et a une superficie de 25 000 mètres carrés. Il contient le Palais des Térems, neuf églises du XIVe, XVIe et XVIIe siècles et plus de 700 chambres. L’aile ouest accueille des réceptions d’état et anciennement les chambres de la famille impériale. La construction du Grand Palais aura coûté près de 12 millions de roubles.

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Un escalier monumental permet d’accéder à cinq vastes salles situées à l’étage

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Salle réservée à l’Ordre de Sainte-Catherine

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Salle réservée à l’Ordre de Saint-Vladimir

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Salle de l’Ordre de Saint-André    –    Salle de l’Ordre de Saint-Georges

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Retour aux sources : le président Poutine a prêté serment en 2012
suivant le protocole du couronnement du tsar Alexandre II

Divers ouvrages explicatifs et autres guides avant la lettre paraîtront au cours des ans. En 1843, Weltmann publie à Moscou un ouvrage intitulé « Souvenirs historiques du Kreml de Moscou ». Imprimé par « ordre suprême », il est traduit du russe par Louis-Léon de Bode. En 1912, un guide pour les visiteurs, intitulé « Le Grand Palais du Kremlin et ses neuf églises », est rédigé sous les ordres du prince Odoïevsky-Maslov, chef de l’Administration de la Cour impériale à Moscou. Il est imprimé avec la « permission du ministre de la Cour Impériale, l’aide de camp général baron Freedericks. »

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Caricature représentant Lev Carlovitch de Bode et Nicolaï Chichagov durant de la construction du Grand Palais. Par Nikolai Leontyevich Benois – Galerie Tretiakov, vers 1840

Caricaturé, Lev Carlovitch sera aussi particulièrement honoré pour son travail. Décoré par Nicolas Ier de l’Ordre d’Alexandre Nevski et de l’Ordre de Saint-André, le tsar lui octroie en 1849 une médaille particulière, enrichie de diamants, portant l’inscription MERCI pour la construction du Palais et 50.000 roubles pour payer ses dettes. La même année, Louis-Léon est nommé président du Bureau du Palais de Moscou, organisme chargé de l’exploitation des palais royaux à Moscou et environs.

Grand-Maître de la Cour 1858 - copie

Capture d_écran 2017-10-08 à 10.07.07Extrêmement soigneux et minutieux dans les questions d’argent, des sommes considérables lui seront passées entre les mains. L’Empereur avait en lui une entière confiance, ce qui lui fit beaucoup d’envieux tant à Moscou que dans les salons de Saint-Pétersbourg. Le prince Alexandre Sergueïevitch Menchikov [illustration ci-contre], arrière-petit-fils du célèbre compagnon de débauche de Pierre-le-Grand, usa de son humour légendaire : « Qu’est-ce de si surprenant ? Speranski fut nommé comte par le tsar grâce à ses réformes, le baron Bode reçut une médaille en faisant le guide des voûtes du Kremlin ! »

Il est relevé que Louis de Bode fut particulièrement favorisé, devançant ainsi des personnes méritantes dont l’une âgée de 81 ans ainsi que deux ministres. Selon les plus vieux courtisants de la Cour, cette générosité impériale ne s’était plus vue depuis le début du siècle ! De plus, en 1858, au moment où le baron Louis-Léon de Bode quitte ses fonctions sans perdre son grade de Oberhofmeister, le nouvel empereur Alexandre II lui décerne à son tour l’Ordre de Saint-Vladimir de 1ère classe.

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Ordre de Saint-André   –   Ordre de Saint-Vladimir   –   Ordre Alexandre Nevski

Des visiteurs étrangers de marque laisseront de courts témoignages de leur passage au Kremlin, tout en ayant bénéficié de l’hospitalité du baron Louis de Bode. Dans son « Journal meiner Reise nach Russland im Jahre 1839 », le (futur) général Friedrich von Gagern (1794-1848) [illustration ci-dessous], fait état de ses rencontres à Moscou.

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Il apprécie d’être à la table du baron Bode en « fonctions de maréchal de la cour » qui lui fait les honneurs de la Marschallstafel et rappelle que celui-ci était un vieux camarade et ami de von Suchtelen, par allusion à Pavel Petrovitch von Suchtelen (1788-1833) qui participa avec Louis Léon aux campagnes contre Napoléon.

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Bal chez le gouverneur militaire de Moscou, le prince Dimitri Vladimirovitch Galitzine, où l’on rencontre de « bien jolies jeunes femmes ». Madame Apraxine (Catherine Vladimirovna), soeur du gouverneur, lui « fait les honneurs ». La « Mlle de Bode » dont parle le général pourrait être Anna Lvovna, l’une des quatre filles de Lev Carlovitch de Bode. Ses frasques amoureuses feront parler d’elle à la Cour …

Toujours l’hôte de la Marschallstafel. Dîner et théâtre, suivis d’une visite chez le baron de Bode chez qui l’on joue une partie de Whist en compagnie de la princesse Esterházy.

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1949, autres temps, autres moeurs … Joseph Staline offre un toast à ses invités

Survient la révolution bolchevique … Le 12 mars 1918, le gouvernement soviétique se transporte de Petrograd au Kremlin de Moscou. Lénine choisit le Sénat comme résidence principale tandis que Staline dispose d’une résidence personnelle. Particulièrement désireux de faire disparaître toutes « les reliques du régime tsariste, » ce dernier fait remplacer les aigles impériaux des tours par des étoiles rouges et le mur face au mausolée de Lénine devint la nécropole du Kremlin.

Pour permettre la construction d’une école militaire et du Palais des Congrès, plusieurs bâtiments sont démolis comme le monastère de Choudov [illustration ci-dessous] et le complexe de l’Ascension avec ses cathédrales du XVIème siècle. Le petit palais Nicolas ainsi que la cathédrale du Saint Sauveur sont également détruits.

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La plus grande perte sera la disparition de l’église de la « Transfiguration sur le Bor » [illustration ci-dessous] en 1933, la plus ancienne (1330) église en pierre du Kremlin.

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La première mention du Palais des Armures [illustration emplacement ci-dessous] Capture d_écran 2017-10-08 à 10.09.45remonte à 1508. Jusqu’au transfert de la capitale à Saint Pétersbourg, on y confectionnait et conservait alors des armes, de la joaillerie et des articles de la vie courante des tsars. Construit de 1844 à 1851 sur les plans de l’architecte Konstantin Thon, sous la direction de Lev Carlovitch de Bode, il abrite aujourd’hui un musée où est présenté l’ensemble des trésors accumulés par les princes et les tsars au cours des siècles tels que armes, armures, couronnes et costumes royaux, carrosses, trônes, mobilier ainsi que des œufs de Fabergé. Un fonds diamantaire qui le jouxte contient une collection de pierres précieuses dont le célèbre diamant Orlov [illustration ci-dessous] et des chefs-d’œuvre de joaillerie.

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Selon les documents d’archives, on sait que la fin des travaux de construction se situe à l’été 1851, au moment où Nicolas Ier et sa famille doivent arriver à Moscou pour célébrer le 25ème anniversaire du couronnement de l’empereur. C’est par le chemin de fer nouvellement construit que la famille impériale arrive à Moscou, le 19 août.

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Visite du palais de l’Armurie – 1846

Lors de la révolution bolchevique, les collections s’enrichissent de trésors prélevés auprès de l’Eglise orthodoxe, des cathédrales du Kremlin, des monastères ainsi que des collections particulières. A l’instigation de Staline, certaines pièces sont vendues dans les anées 1930 à l’étranger, dans le but de faire rentrer des devises.

Lev Carlovitch et son fils Michel Lvovitch auront été successivement directeur-adjoint de l’Armurerie, le père de 1846 à 1852 et le fils de 1856 à 1860, alors que l’écrivain Alexander Veltman en assumait la direction générale entre 1852 et 1870.

Un diplomate français, Félix-Sébastien Feuillet de Conches (1798-1887), chef de bureau au service du protocole du ministère des Affaires étrangères à Paris, raconte dans sa publication « Causeries d’un curieux … », éditée en 1862-1868, une visite au musée de l’Armurerie du Kremlin en compagnie de l’ambassadeur de Suède, le baron Adelswärd.

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Le baron Georg Nikolaus Adelswärd – Félix-Sébastien Feuillet de Conches

« Un prince Galitzine, aimable et officieux vieillard qui nous avait accompagnés au trésor du patriarche, nous montrait l’hospitalité des bons vieux temps d’Homère. Sans nous connaître, et par pure bienveillance pour des étrangers, il nous avait conduits à l’Arsenal et dans l’intérieur du Terem ou ancien palais, avec un fort gracieux maître des cérémonies de l’empereur, M. le baron de Bode, chargé par le gouverneur général de Moscou de nous faire les honneurs du Kremlin. Tous deux paraissaient avoir eu d’abord la pensée de détourner nos regards d’une des dépouilles de Poltava, le brancard sur lequel était porté [illustration ci-dessous] Charles Xll à cette terrible bataille. Voyant notre attention se tourner de ce côté, M. de Bode dit avec une courtoisie parfaite, en s’adressant au ministre de Suède, M. Adelswärd : « C’est par les leçons de Charles XII que les Russes ont appris à se battre ! »

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La dépouille de Charles XII sur le chemin du retour – tableau de Gustaf Cederström, 1884

Et où l’on notera avec amusement une coïncidence que le baron de Bode ignorait bien évidemment : Georg Nikolaus Adelswärd (1810-1878 à Paris) n’était rien d’autre qu’un lointain cousin de Lev Carlovitch de Bode ! En effet, plusieurs membres de la famille Adelswärd font partie de la descendance d’Anna Sophia Bode [1.1.4.] et de Justus Adam Werkamp, descendance dans laquelle on dénombre de nombreux noms scandinaves.

D’autres visiteurs témoignent de leur passage à Moscou. Le major James Abbott, officier d’artillerie de l’armée britannique en Inde, parle avec émerveillement des collections de l’Armurerie qu’il a l’occasion de visiter en 1856 :

« The mere hasty inspection of this collection cost me many hours. Baron Bodé, the governor of the Kremlin, joined me whilst engaged there. He spoke English with great ease and fluency, and shewed me those polite attentions, which the really well nurtured delight to offer, to the stranger and the guest. »

Capture d_écran 2017-10-08 à 10.10.41Parmi les joyaux exposés, on retrouve avec amusement le fameux « diamant du Shah » de 88,7 carats [illustration ci-contre], offert par le prince persan Khosro Mirza au tsar Nicolas Ier, venu présenter les excuses officielles de la Perse auprès de la Cour de Russie suite à l’assassinat de son diplomate Alexandre Griboyedov. Pour la petite histoire, Anna Lvovna de Bode, soeur de Michel et demoiselle d’honneur de l’impératrice Alexandra Feodorovna, épouse de Nicolas Ier, s’enticha (entre autres) de l’envoyé spécial du Shah !

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Capture d_écran 2017-10-08 à 10.12.21Le Palais des Terems [illustration emplacement ci-contre] servait naguère de lieu de résidence pour les tsars. Ce petit bâtiment de brique dont le nom est dérivé du mot grec τερεμνον signifiant « logement », a été édifié entre 1635 et 1637. Son architecture est inspirée de l’isba russe traditionnelle en bois.
Ses chapelles privées sont coiffées de onze coupoles décorées de carreaux de faïence polychrome et de croix dorées [illustration ci-dessous]. Ayant souffert de l’incendie de 1812, sa restauration a été effectuée durant les années 1836-1837 sous la direction de F. Solntsev et P. Gerasimov avec la participation de F. F. Richter.

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Sur les instructions du baron de Bode, des dessins des intérieurs détruits furent exécutés par Solntsev et approuvés par l’Empereur. Parquets, portes, tapis de différentes salles de cérémonie et de résidence, ustensiles d’intérieur, vaisselles, candélabres et cheminées, tout fut repris dans le style russe ancien du XVIIème siècle.

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On dit que sur la façade restaurée du palais de Terems, le baron de Bode aurait eu l’intention d’apposer : « similaire à ce qui fut ordonné par le tsar Alexis Mikhaïlovitch … Ces vestiges d’une ancienne habitation des tsars russes, maintenus sur ordre du souverain empereur Nicolas Ier dans l’ancienne manière … »

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Chambre à coucher

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Salle de réception

La famille de Lev Carlovitch de Bode vécut durant vingt-cing ans dans un grand appartement situé dans le Pavillon des Cavaliers [illustration ci-dessous]. Disparu dans les années ’60, cet immeuble abritait des personnes au service de la Couronne ainsi que des invités de passage. Après la révolution bolchevique, le bâtiment fut adapté pour les membres du gouvernement soviétique, Lénine ayant fait déménager le gouvernement au sein du Kremlin. La construction du Palais des Congrès, décidée par Krouchtchev en 1960, nécessita la démolition du Pavillon des Cavaliers ainsi qu’une partie du Palais des Armures, afin de faire de la place pour le nouvel édifice.

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On assure qu’une partie aurait été préservée et est actuellement protégée par l’Etat en tant qu’objet du patrimoine culturel fédéral, car Vladimir Ilitch Lénine y aurait vécu de fin mars à avril 1918.

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Tableau au Musée des Beaux-Arts Pouchkine de Moscou

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3 Capture d_écran 2017-10-10 à 18.01.474 apture d_écran 2017-10-10 à 18.02.235 Capture d_écran 2017-10-10 à 18.02.406789101112

M. Zichy. - Festive dinner in the faceted chamber

Ceremonial Dinner in the Faceted Chamber of the Moscow Kremlin – Mihaly Zichy (1827-1906)

Sergueï Grigoriëvitch Grigoriev [1.1.5.(b).11.2.8.X.1.3.(a).1.2.], arrière-petit-fils de la fille naturelle (née avant mariage) de Lev Carlovitch de Bode, a retrouvé de nombreux documents parmi les archives se rapportant aux Bode-Kolytchev, dont quelques aquarelles datant des années 1840 (Archives du Musée de l’Académie des Arts de Moscou) représentant l’intérieur du logement de fonction des Bode au Kremlin :

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Cabinet

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Chambre

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